Journée sanglante, Bloody Mary

Une journée de fou.......Typiquement dans ce genre d'hôpital, c'était monnaie courante. J'venais à peine de quitter ma blouse blanche de boucher - oui, faut pas non plus se leurrer hein, j'fais pas vraiment dans la dentelle - et j'avais décrasser les dernières traces de sang brunâtre qui trônait sur mes avant bras. Depuis le temps que je bossais à la morgue de l'hôpital de la ville, j'avais pris mes quartiers dedans, pour dire, je vivais presque plus dans la pièce relativement glauque que dans mon propre appartement. J'avais tout ce qu'il me fallait dans mon 35 m carré. Hé ouais, un casier pour les fringues - les femmes de ménage étaient réellement charmantes et venaient me faire les habits que j'laissais en tas devant la porte le soir en partant - des tables et des chaises pour inviter les potes que j'ai pas, des frigos partout pour mettre les bières au frais....Enfin bon.

Je r'pensais à tout ça tandis que mes pas s'avançaient vers un bar. Clair, j'avais envie de me détendre un peu, ouvrir des thorax pour sortir les organes et vider les intestins des victimes de meurtre c'était relativement prenant. Enfin, moi j'étais blindé, les organes, c'est mon truc. Je suis loin d'être un ange, même de la mort. Ouais moi je me charge de me faire du blé, je retire les organes non endommagés des gens qui en ont plus besoin et je les revends au marché noir. De temps à autre j'me fais un extra. Comprenez bien, certains clients veulent de la première fraicheur alors il m'est déjà arrivé d'attirer des petites midinettes ou des hommes même, pour les endormir sagement et leur retirer un rein...Bah oui, qu'est ce qu'ils peuvent bien foutre d'en avoir deux ?

Oh ils s'en tiraient, j'étais pas non plus le comble du machiavélisme...Je les recousais comme il faut et tout...Et je m'arrangeais pour les droguer un peu, histoire qu'ils oublient la nuit vécue. J'ai jamais été choppé pour le moment mais qui sait ?

Ma main se pose sur la porte du pub et la pousse tandis que je m'allume une clope sans aucune vergogne, l'autre vient essayer de dompter la crinière gris platine qui me sert de coiffure tandis que je relève mes lunettes de soleil pour permettre à mes yeux bleutés de s'accoutumer à la pénombre ambiante. Sans un regard pour la populace ici présente, j'vais me poser au bar, glissant sur un tabouret haut dans un vague soupir-grognement de plénitude. Bah ouais, j'étais souvent debout au boulot...Je tirais sur ma cigarette, profondément avant de la tapoter sur un cendrier - s'il y en avait - ou par terre. Après une seconde où j'en profitais pour me frotter un peu le visage de ma main libre, je cherchais par la suite un serveur, une serveuse...enfin le genre de choses de la gente humaine qui bosse dans ce genre de boui-boui.

Et donc, la fin d'une journée de travail pour les acharnés qui trimaient jusqu'à pas d'heure... Et le début des vacations des bosseurs de la nuit.
Ce jour là, le club avait ouvert depuis peu, et tout était encore relativement calme à l'intérieur, il y avait bien quelques petites dizaines de personnes, mais pas de quoi se surmener : la soirée ne commencerait qu'un peu plus tard, avec l'afflux de la foule. Alors, n'en déplaise à un certain chevelu certainement calé dans son bureau à l'étage, ça ne bossait pas encore dur dans la grande salle. Et concernant Aphrodite, ça ne bossait pas du tout, puisqu'il était présentement en train de faire un jeu des plus stupides avec l'un des barmen : l'ayant convaincu de faire une énième démonstration de son fameux jonglage de bouteilles, il tentait de le déconcentrer à coups de blagues nulles et autres chansonnettes du genre "ne la laisse pas tomber, elle est si fragile ". Et dieu sait qu'elles étaient fragiles ces foutues bouteilles, il y en avait déjà deux qui s'étaient fracassées par terre. Et le jour où Kanon verra à quoi son équipe s'amuse pendant les heures creuses, ça sera une autre chanson, mais on y était pas...

Heureusement pour le stock - et l'image de marque de l'établissement - le petit jeu stupide prit fin, car il convenait tout de même de ramasser les bouts de verre et d'éponger le sol derrière le bar, avant que ne débute le grand rush de la nuit - ou que le cher Kanon ne vienne faire une inspection. Voilà donc deux andouilles agenouillés en train de collecter les éclats de verre.
Aphrodite appréciait bien les deux barmen, même s'il n'avait jamais réussi à retenir lequel était Pose et lequel était Ydon. En tous cas, qu'il s'agisse de l'un ou l'autre, celui avec lequel il oeuvrait en cet instant se redressa soudain en poussant un petit cri de surprise, et exhiba d'un air contris son index droit, où venait de se planter un petit morceau de verre.
Bien que superficielle, la petite plaie pleura quelques larmes rouges, ce à quoi Aphrodite annonca gravement "accident du travail." Le barman prit le temps de lever les yeux au ciel avant de contourner le bar et de se diriger vers la salle de repos et surtout le lavabo et la trousse de soins qu'il y trouverait, poursuivi par la voix d'Aphrodite qui était d'humeur chieuse et se redressait aussi et lançait en criant avec enthousiasme, pour couvrir la musique

"BEN, RESTE LA, L'ALCOOL ÇA DÉSINF... euh... BONSOIIIR !"

Le 'bonsoiiir' était destiné au type installé au bar et dont il venait de réaliser la présence. Un rapide coup d'oeil lui permit de classer l'homme dans la catégorie 'Jamais-Vu'. Il esquissa donc un grand sourire vive-la-vie, et repoussa rapidement son impossible masse capillaire en arrière avant d'enchaîner.

"Je vous ÉCOUUUTE ! Dites moi tout ; ici, demander c'est obtenir ! Ha... à un détail près. Un instant."

Aphrodite attrapa un dépliant de papier plastifié posé un peu plus loin sur le comptoir, et le fit glisser jusque sous les yeux délunettés de notre arrivant. D'un trait bref de stylo, il biffa les trois quarts de la liste qui y était imprimée, et la tendit à son interlocuteur en laissant cascader des instructions à rallonge.

"Si jamais c'est un cocktail que vous voulez, voilà la carte. Si vous êtes pressé, tapez dans ceux que j'ai pas rayés, c'est les seuls que je sais faire. Si vous en voulez un des autres, il faudra patienter dix minutes, le temps que le barman règle son souci d'hémorragie et revienne. Vraiment sympa, la couleur de vos cheveux. C'est pointu à entretenir ? Vous passez votre commande maintenant ?"

Ce soir, c'est la forme.

Ouais. Décidément le job de serveur j'aurais jamais pu. Heureusement que mon...tuteur plus ou moins légal avait eu de la tune pour me payer études et autres choses que je demandais...Parce que le style soit beau et tais toi c'était pas vraiment le mien. Et je débarquais je pense au pire moment. Pas un chat, et les barmaids et men qui font les pitres derrière le bar. Je grognais vaguement, moi qui rêvais d'être tranquille ca allait être foutu...D'ailleurs qu'est ce que je fichais ici ? Ah ouais, j'voulais m'envoyer un Bloody Mary. Apparemment le petit jeu auquel ils s'adonnaient avait mal tourné puisqu'ils étaient en train de ramasser les bouts de verre. Je cherchais machinalement à repérer les pauvres marques d'alcool qui avaient fait les frais des démonstrations d'ennuis des employés, mais en vain. L'un d'eux se coupa d'ailleurs le doigt. Ah ouais j'oubliais de vous dire. Je repère une goutte de sang à des kilomètres...Enfin non j'exagère.

Mais la...L'odeur du sang était bien présente, dans une petite salle dans laquelle peu de monde se trouvait, difficile de la louper. Et c'est la qu'une espèce de tornade blonde qui affichait un sourire on ne peut plus à propos, mais totalement inutile en connaissant le personnage, me sautait presque dessus avec son bonsoir retentissant. Mes yeux bleuté, assez froids sans être non plus parfaitement agressifs se posèrent sur le...serveur. Un premier coup d'oeil me permit de le classer assez rapidement dans les "Petites chieuses bêcheuses de sexe masculin, à confirmer ou pas selon envie". Le dépliant me fut collé sous le nez tandis que j'arquais délicatement un sourcil grisâtre. Et en plus j'étais tombé sur un nouveau c'était ma veine.

Je savais ce que je voulais et lâchais d'une voix gutturale qu'on devinait ne pas avoir servi depuis longtemps.

"Un Bloody Mary. J'patienterais, j'suis pas à la bourre."

Aucune commande pour le moment. Le trafic d'organes était plutot calme ces temps. Sinon à n'en point douter j'aurais fait de ce petit serveur ma prochaine victime...La couleur de mes cheveux fut simplement énoncée et je haussais la tête en signe de désintérêt relatif. Ouais c'était pas franchement dur à entretenir et puis je les aimais en vrac. La couleur c'est juste pour cacher les cheveux blancs que j'avais déjà. Vraiment, ce serveur me faisait vaguement penser à une sauterelle un peu surexcitée. Néanmoins d'un point de vue purement esthétique et anatomique il était parfaitement proportionné. D'ailleurs, mes yeux ne se privèrent pas de découper mentalement quelques parcelles de peau au scalpel et d'imaginer le liquide carmin s'écouler sur cette peau diaphane. Ca devait être un spectacle particulièrement attrayant.

Je souris d'ailleurs en coin, de façon très certainement un peu malsaine tout en attendant mon cocktail. Oui, j'avais des pratiques et des habitudes plutot glauque et je me contentais parfaitement de ma petite solitude. Je n'aime pas les gens, ce n'est pas ma faute, je suis né comme ca.

Quelques temps auparavant, le gérant des lieux avait pu se rendre compte qu'il n'avait pas de pouvoirs télékinétiques. Dans le même ordre d'idée, Aphrodite n'avait pas celui de lire dans les pensées. C'était tant mieux face à un client comme Deathmask; parce que s'il avait pu avoir le plus petit visu des élucubrations mentales de ce gars installé au bar, à n'en pas douter, Aphrodite aurait filé en quatrième vitesse et en hurlant. Non, parce qu'il était tout à fait prêt à admettre qu'on pouvait pense beaucoup de choses diverses et variées en le voyant, mais il n'aurait jamais envisagé que sa petite personne puisse renvoyer illico à des images de scalpel sanglant et à des ponctions de rein non consenties, ou on ne sait quelle autre horreur.

Quoi que pour rester dans le domaine de la fuite éperdue, ça n'était pas forcément mieux que Deathmask parle. Bien sûr, sans aller jusqu'à effrayer, sa voix avait produit un effet légèrement glaçon, qui fit vaciller quelque peu le sourire d'Aphrodite. Entre l'allure et la façon de parler - pas très loquace, soit dit en passant - cette personne lui inspirait surtout le soulagement de le croiser au milieu du Golden Triangle et pas dans une ruelle sombre.
Ceci dit, il en fallait quand même plus pour décourager Ze Aphro, le seul et l'unique.

"AUCUN problème !" s'exclama-t-il avec un entrain débordant, en évitant aussi de trop regarder son vis-à-vis. Il avait un petit sourire bizarre qui le mettait un poil mal à l'aise. Heureusement, la boison réclamée était de l'ordre du classique et il n'y aurait pas besoin d'attendre le retour du grand blessé. Ce qu'Aphrodite craignait, c'était une demande du genre 'j'veux un Gnamakoudji, un Amaretto Sour Jello Shot, un Venda da Cruz de Pombal de Prends ton Dico Vite Fait y a un Papou Dans la Salle, supercalifragilisticexpialidocious, atchoum'. Faut pas croire, au Golden Triangle, les gens, y sont linguistiquement polyvalents, ils causent la langue que tu veux même si elle existe pas, et y a pas que du Shweppes en stock. Aphro, respire, le matin est encore loin. Ce soir donc, le labeur commencerait par la confection de la boisson susnommée, ce à quoi il s'attela, tout en gratifiant le gentil client au regard sibérien et au sourire bizarre, qui n'était pas à la bourre, d'un nouveau flot de paroles. Le style sois beau et tais toi redouté par Deathmask ne s'appliquait pas à Aphrodite : il ne se taisait JAMAIS. Ou peu s'en faut.

"Ça tombe bien, alors, parce que ça va commencer à s'animer un peu plus tard. Il est tôt, encore. C'est affolant, ça se remplit, pouf ! d'un coup, à l'heure où ça commence vraiment. Restez un peu et vous allez voir ça. Vous devez retrouver des gens ? Hop... Voilà votre verre. Ah ! Vous êtes venu voir le groupe, peut-être. Ils se produisent à partir d'une heure."

Il avait déposé la boisson devant son destinataire, et continuait à piailler sans discontinuer. A sa décharge, il fallait dire que généralement en ce lieu, les gens qui voulaient la paix étaient assez rares, et lorsqu'il y en avait, ils s'installaient plutôt en retrait. Bien sûr, il aurait pu se dire que ce type montrait clairement qu'il ne faisait pas dans les relations sociales, mais, en même temps, c'était Aphrodite, qui mettait un point d'honneur à être à l'aise dans toutes les situations... ou au moins à essayer. On a la classe, ou on ne l'a pas. Et il ponctua sa dernière phrase d'un grand sourire avant de secouer brièvement ses cheveux, et d'ajouter

"A moins que vous ne soyez déjà venu ?"

Il pensait que non, ayant une bonne mémoire des visages. Mais dans un endroit comme celui-ci, qui brasse des dizaines et des dizaines de personnes par nuit, il était facile d'en louper un ou deux.

Héhé. Ben oui, pas de ma faute j'étais comme ca. Je pouvais apprécier jusqu'à un certain point la beauté humaine, moi ce qui m'intéressait plus particulièrement c'était les organes. Alors un type ou une miss qui a l'air en bonne santé, ca m'intéresse de toute facon. Heureusement pour Aphrodite, j'étais en rade depuis quelques jours, mes clients me commandaient très peu de choses et j'étais pas assez con pour me faire pincer si ca en valait pas la peine. Vénal ? Si peu....J'aime l'argent, la mort et la solitude. Clair j'suis pas normal, mais bon tant mieux pour moi, au moins personne m'approche comme ca.

A part ce truc blond...Il va et vient dans tous les sens et il parait toujours parfaitement coiffé et...Enfin dans le genre star de série américaine, vous savez. La miss qui tombe d'un avion en flammes dans une forêt boueuse et qui est nickel de la tête au pied, son uniforme blanc encore parfaitement reluisant. Ben il me faisait un peu penser à ca. J'pensais par contre pas lui faire autant d'effet avec ma voix. La encore faut m'excuser, elle sert pas beaucoup. Je parle pas à mes cadavres. Mais je remarquais le léger...changement chez le serveur. Mais il ne se désarconna pas, plutôt volontaire le blondinet. Bah j'étais soulagé, au moins ma commande prendrait pas trois heures à arriver. Je l'observais faire d'un regard en biais controlant machinalement les quantités.

Je passais par automatisme, une main entre mes mèches argentées. J'aimais bien cette couleur, ca reflétait bien mon humeur la plupart du temps et puis en plus c'était pas excentrique. Bon ca se remarquait mais c'était pas du rouge. Et pendant qu'il me préparait mon bloody mary, plus vulgairement appelé jus de tomate-vodka, le serveur recommenca à déblatérer des inepties...Je réprimais un soupir d'agacement et je me décidais néanmoins à répliquer relativement ironiquement.

"Ouais, j'serais loin avant que l'monde arrive. J'aime pas les gens, sauf quand ils sont cannés. Et puis la musique c'est pas mon truc. J'suis venu prendre un verre après le taff, c'est tout."

J'aimais pas les coins en retrait. Ca faisait alcôve privée ou salon à pute. Et franchement je préférais plutôt être au bar. Alors si la réplique que je venais de sortir ne le dissuadait pas de continuer la conversation, bah je continuerais à parler, ca pouvait être amusant de voir son air choqué/attéré/dégouté ou autre...Un peu de divertissement de temps en temps. Et puis un jour ou l'autre, à moins que j'crève avant, il allait certainement passer sur ma table....Serveur dans une boite comme celle la, ca devait être un métier relativement risqué. Et il continuait à parler. Mais il ne s'arrêtait jamais ??!

"J'suis jamais v'nu et j'pense pas qu'je reviendrais."

Bam. Je choppe mon Bloody et puis je le goute en hochant légèrement la tête. Bien équilibré, pas trop de vodka, pas trop de jus de tomate, le tout en harmonie. Non franchement c'était pas si mal pour un petit nouveau. Le hochement de tête fut donc approbateur, à prendre comme un compliment. Et je réalisais à peine que ce simple geste pourrait avoir comme conséquence un nouveau flot de paroles incessants.

Traverser l'apocalypse sans une mèche de cheveux déplacée aurait été vraiment le top. Malheureusement, si Aphrodite donnait l'impression de pouvoir parvenir à ce petit miracle, ce n'était qu'une impression ; il n'était helas pas en mesure de le réaliser. En soit témoin l'épouvantable et poignante scène dramatique récemment arrivée à l'endroit même où le brave médecin-légiste avait élu domicile, quelques jours auparavant.

Mais oublions toutes ces tragédies capillaires, et revenons en à notre belle soirée, ou tout se déroulait dans la joie et la bonne humeur... Enfin, ça dépendait pour qui. Parce qu'Aphrodite se faisait de plus en plus la réflexion que ce client là était du genre spécial, ou alors qu'il avait le moral dans les baskets et l'envie de mordre quiconque passerait trop près de lui.

C'était souvent qu'il avait exposé avec enthousiasme le déroulement général des nuits en ce lieu... Mais c'était plutôt rare qu'il s'entende répondre "m'en fous, j'vais m'casser". Ceci dit, ce ne fut pas cela qui le glaça instantanément, ce fut la phrase suivante. Bouarf. Pour le coup, ça lui avait coupé le sifflet... Mais pas longtemps. Attendez qu'il se reprenne... en attendant, il adressa à cet étrange client un espèce de petit sourire contris et mal assuré. Non mais vraiment, qu'est ce que vous voulez répondre à ça...? L'humour noir à toute berzingue, fallait le relever, le niveau, quand même.

Donc, on pouvait difficilement faire pire. Ah non ? Ben, si. l'ajout qui tue. Jamais venu et je reviendrai pas. Bon bah voilà, ça, c'est fait...

Mais comme on s'en doute, Aphrodite ne lâcherait pas le morceau comme ça, juste parce qu'il avait affaire à un gars un peu difficile à dérider... Et ledit gars lui offrit sur un plateau un pont royal pour revenir, parce qu'en effet, c'était bien trop facile de prendre cet acquiescement pour une approbation claire et nette à son attention. Donc, et puisque l'heure était encore jeune et la salle plutôt calme, il pouvait se consacrer entièèèèrement à ce bonhomme, qui au fond était peut-être très sympa, mais à la communication laborieuse ? Allez savoir. Aphro s'en tint à cette dernière hypothèse, et reforma un large sourire assorti d'un "Merciiii..." un peu suffisant, et s'accouda au bar, ce qui pouvait laisser craindre à Deathmask qu'il allait ENCORE se taper un quasi monologue.
Evidemment, Aphrodite n'avait pas la moindre intention de rebondir sur l'aveu concernant l'aversion pour les gens, sauf ceux qui sont crevés... Et saisit, à son grand malheur, la perche tendue involontairement.

"Pas du tout votre truc, la musique ? Aucune sorte ? C'est singulier ! Bah, ici, si tôt, elle est plutôt accessoire, en fait. Comme je disais, ça commence à une heure un peu plus avancée. Mais donc, du coup, vous finissez de bosser assez tard, quand même. Hop.... teeenez."

glissa-t-il en subtilisant le cendrier à peine sali pour le remplacer par un tout propre, et reprendre.

"C'est de l'organisation, non ? Des horaires comme ça. Remarquez, il y a des boulots où il n'y en a pas vraiment, d'horaires. Vous travaillez dans le coin ? Qu'est ce que vous faites comme travail ?"

Le silence est d'or, parait-il.

J'étais pas juste spécial. J'étais en fait un véritable cas pathologiques de personnalité psychopathique. En gros pour vous expliquer dans des termes plus simples, j'suis fou. Je me fous de ma vie, je me fous de la vie des autres, j'en ai rien à cirer que le monde crève ou qu'il continue à vivre. Nan ca c'était des considérations à la noix pour moi. Je me laissais vivre et j'avais aucune sorte de remords à empiéter sur les libertés des autres. Mes victimes je les tuais rarement. Les fois où ca arrivait, j'étais soit pris d'une pulsion et je laissais trop de sang couler - le sang est un liquide qui me fascine. - ou bien alors la victime avait des problèmes médicaux dont j'étais pas au courant. Genre...euh un problème de coagulation ou des trucs comme ca. Et si on me commandait des organes sans limite de fraicheur, je les prenais sur mes clients, à la morgue de l'hopital ou j'bosse.

D'ailleurs ça m'arrivait d'avoir mes victimes sur la table...La police faisait appel à moi pour ces cas, jugés très...glauques. C'est ainsi que j'étais au coeur même de l'enquête, comme personnel aidant, et ainsi que je me tenais au courant de ce qui se passait. Han c'était jouissif de voir les poulets patauger dans leur merdier sans savoir où ca allait...Mais j'étais pas du genre trop intelligent non plus, j'allais pas les aider. Ouais vous savez, dans les films policiers, quand le tueur est trop intelligent, il donne des pistes à la police pour se faire arrêter. Ben nan, moi j'étais pas comme ca. J'faisais mes deux jobs, et je prenais mon pied. C'est tout. Ne me comprenez pas mal, j'me suis jamais envoyé un cadavre....Je trouve ca un peu déplacé XD.

Ce que le petit serveur n'avait certainement pas compris, c'était tout ce que j'viens d'vous expliquer plus haut. S'il avait eu le topo, il serait parti en courant. Et s'il avait eu les détails morbides des scènes, il serait tombé dans les pommes. Je maniais pas du tout l'humour noir. Pour moi c'était ma seule facon de penser. Par contre, je grognais légèrement à peine le mouvement de tête esquissé. Et merde, la j'avais été con par contre. J'avais offert une porte grande ouvert au serveur pour qu'il puisse revenir avec ses gros souliers et ses conversations de bistrot. Le geste qui tue : Le serveur s'accouda au bar...Hé merde, j'étais reparti pour une bonne demi heure. J'écrasais avec dépit le reste de cigarette qui s'était à moitié consumée toute seule. Ouais ca c'était mon grand défaut, les clopes je les fumais jamais vraiment. Et c'est ainsi que ma main, machinalement, allait en chercher une prochaine que je glissais entre mes lèvres fines pour l'incendier.

La lueur se réverbéra dans mes prunelles azures, ce qui dut donner un sacré effet, genre vraiment "flamme sourde de démence profonde"...Et voila des questions, encore et toujours. Mais bon j'me démontais pas, décidé à parler moyennement, mais quand même un peu.

"Nan. La musique c'est du bruit. Et j'bosse à l'hopitâl, j'fais des heures supp régulièrement."

Mon regard se portait sur le cendrier échangé contre un tout beau tout propre tandis que je tirais avidement sur ma cigarette pour m'octroyer un bon shoot de nicotine. Le silence est d'or, la parole est d'argent. J'avais capté le concept, apparemment pas le blondinet. Je souris en coin pour préciser.

"J'suis médecin légiste. Et j'suis seul, alors les horaires, j'm'en tape."

A part les morts, personne ne m'attendait à mon travail et en dehors du travail. C'est ce que je voulais dire. Faire des heures supplémentaires n'était donc pas un problème pour moi et la situation me convenait parfaitement. Je lui octroyais un sourire radieux mais parfaitement faux tout en disant sur un ton goguenard.

"Tu parles toujours autant ?"

Ha non non, mais ON CONFIRME LE FAIT, là dessus il n'y avait pas le moindre doute, notre psychokiller avait tout à fait raison lorsqu'il pensait que ses petits secrets feraient fuir n'importe quel être : s'il avait pu en savoir le quart, Aphrodite serait déjà loin.
En tous cas, lui avait l impression qu'il avait vu juste, que ce pauvre client était juste un brave gars qui avait du mal à communiquer. D'ailleurs, voyez avec quelle bonne volonté il répondait à la question ! Ahem...Bon alors, la musique, il aimait vraiment pas. Ok ,c'est réglé, passons à autre chose... ou pas... Enfin, au début, ça allait. Il travaillait à l'hôpital et il faisait des heures supp. Travailler à l'hôpital, voilà qui était assez vague, mais ça donnait une idée. Aphrodite, évidemment, s'apprêtait à demander des précisions, mais il n'eut pas même à le faire, car la sentence tomba. Qu'on ne lui en veuille pas de ce mouvement de recul. Aphro est un gars normalement constitué, avec des réactions normales. C'est souvent que les médecins inspirent la confiance d'entrée, c'est rare que les médecins légistes fassent de même. Forcément, un médecin-légiste, c'est le gars qui découpe les cadavres dans une cave et qui les vide avant de leur refoutre dans le bide un sac plastique empli de leurs organes. Dans le cas de DM, on a vu que ledit sac était parfois "allégé", mais bon, ça, personne ne le sait.
Aphrodite prit conscience de la façon dont il s'était reculé, et tenta de déguiser cette réaction viscérale et tripotant deux ou trois verres, avant de revenir à la charge. Il préféra occulter totalement ce qu'il ne savait pas gérer, c'est à dire la façon de répondre à un gars qui vous annonce qu'il est découpeur de macchabées. Voyons. Notre type venait de mentionner son métier, suivi de cet aveu destiné à souligner le peu d'importance de ses horaires. Automatiquement, presque machinalement, les yeux clairs se mirent à détailler son interlocuteur qui avait un boulot morbide et qui était seul, pour déterminer si l'un était la conséquence de l'autre, ou si son allure permettait de faire oublier son activité aux candidates. Oh, dire qu'il ne l'avait pas du tout observé à son arrivée serait mensonger, d'autant qu'Aphrdite avait tendance à porter pas mal d'attention à l'esthétique des gens... Et celle de cet homme, bien qu'indicutablement positive, l'interpella, dans le sens où ce physique-là n'était pas du tout à l'image de ce qu'il imaginait assorti à un badge de "médecin-légiste". Non, lui il aurait davantage pensé à un petit maigrichon chauve avec de grosses lunettes et un regard biaiseux. Roh, oui ça y va les clichés, mais faut le comprendre, aussi. Ce n'est pas le genre de progession qu'n entend souvent être énoncée, et à la connaissance d'Aphro, c'était bien la première fois au bar du club. Surtout après un magnifique "j'aime pas les gens, sauf quand ils sont canés".

Mais revenons en à cette reprise, à l'initiative de notre impayable client. Il trouvait qu'Aphrodite parlait trop ? Oui, c'est vrai qu'il était une source inépuisable de blablatage, mais là, il était tombé sur Le gars capable de lui couper la chique , non pas une fois, mais plusieurs. Du moins, deux. en effet, une nouvelle fois, il se trouvait muet. Son flot de paroles était tari poru l'heure. Mais pas pour longtemps. L'ironie voulut que ce soit précisément la question relative à sa volubilité qui la lui rendit, ainsi que son peps. Il lui était passé très rapidement par la tête, à tort ou à raison, que l'homme lancait ses phrases assassines d'une manière volontairement directe et provocatrice. S'il avait voulu le désarçonner, il pouvait se féliciter d'y être arrivé, et s'il continuait sur cette lancée, il y parviendrait sans doute encore. Mais Aphrodite rebondissait en général très facilement, dès qu'il avait l'ombre d'une occasion. Et celle qui lui était offerte, là, fut saisie pour retrouver langue et superbe, et, accessoirement, asticoter le gugusse, y pas de raison. Donc, Aphro, tu parles toujours autant ?

"Mh, eh bien..."

Lascif, pépère, lascif. Ta chance est de ne pas savoir à quel genre de bestiole tu as affaire, donc tu peux te payer le luxe de faire ça bien. Il sembla qu'aphrodite eut capté un message venant de sphères supérieures (le clavier, quoi), et son petit sourire s'accentua. Il fit mine de réfléchir quelques secondes en passant lentement sa main dans ses cheveux, et plongea un regard franchement équivoque dans les jolies prunelles bleues de son vis-à-vis, répondant à mi-voix.

"Ça m'arrive de ralentir le débit..."

Ok merci Aphro, c'est très bien. Maintenant, tu fais un truc léger, genre un rire, un truc comme ça. Aphro ? Aphro ?? Le contrôle ne répond plus ? Houston, on a perdu le contact !!

"... Enfin... Encore faut-il trouver quelqu'un qui parvienne à me faire taire..."

Ha bah tu parles d'un truc intelligent à dire à Jack l'Eventreur. Bon allez, maintenant, on arrête de dire des choses tendancieuses au monsieur psychopathe avant que tu n'obtiennes la démonstration qu'on peut faire taire quelqu'un de plein de manières et que certaines sont définitives.

Ah la la...Et voila que je m'faisais prendre pour le brave type qui en a juste bavé et qui est sociable mais qu'il faut pousser....Franchement, y'avait vraiment des personnes qu'il fallait flinguer sur cette terre ! Enfin, dans le cas de ce serveur s'était juste qu'il était pas doué pour cerner les gens. Le pauvre. Heureusement pour lui, VRAIMENT, que je n'avais pas de commande. Mais, j'étais loin de me décourager, j'avais encore quelques sorties bien glauques en réserve, du genre de celles que je lui avais déjà faites vous voyez ? Ca m'amusait de le voir se démener à ne pas prendre un air horrifié et à se forcer à ne pas tourner les talons. A ma déclaration, quand je lui dis que j'étais donc médecin légiste, il recula. Ah ben en voila une réaction naturelle !

Le serveur fit mine de nettoyer ou d'épousseter quelques verres pour camoufler son mouvement d'horreur et je souris froidement en coin. Qu'il essaie, je m'en tapais, même s'il poussait des cris terrorisés à travers la salle, je m'en tapais. Ben j'disais que j'aimais pas les gens, sauf quand ils sont cannés, y'avait une explication rationnelle à tout ca, et maintenant le petit blondinet le savait. Mais il se produisit une chose à laquelle je m'attendais pas vraiment. Tout en sirotant mon bloody et en savourant silencieusement la jouissance infime que ca m'avait procuré de le faire flipper, je me sentis....Dévisagé.

Un de mes sourcils se haussa et je braquais mon regard bleuté sur le serveur. Je réfléchissais rapidement. Je venais de lui parler de mon taff et de mes horaires...Ainsi que du fait que j'étais seul. Ok, il était en train de m'étudier pour savoir quelque chose de l'ordre....esthétique du terme. Bah j'étais plutot de taille normale dans les 1m80, des cheveux gris, des lunettes à soleil dans ma tignasse sauvage, des traits du visage viril et une carrure plus qu'appréciable. Bah oui, j'faisais du sport. Depuis que j'suis ado j'en fais, sinon j'serais passé pour une tafiole. Enfin, façon de parler, j'ai rien contre eux. Donc voila, quoi qu'en pense Aphrodite, j'avais pas mal de succès auprès des femmes...et de certains hommes aussi. Et oui, je trouvais que c'était clairement un moulin à paroles. Et oui, je lancais mes phrases par habitude et provoc. J'adorais voir la tête des gens qui essayaient de se donner une contenance après certains détails bien salaces.

La suite...fut...Improbable. Oui parce que j'ai du louper un chapitre puisque le serveur me glissa un sourire et fit mine de réfléchir d'une manière....lascive. Je haussais un sourcil en me demandant si je ne rêvais pas...ou bien c'est possible simplement que je sois en train de mal interprêter la situation. Mais nonnnnn. J'avais bien raison de me méfier. Le regard équivoque me confirma la tentative de hameçonnage. Etrange petit serveur qui essaie de me draguer alors que j'ai pas l'air engageant. Y'en a qui sont bouchés au niveau communication non verbale apparemment. Je souris de façon franchement sadique.

"J'ai plein d'idées. Si tu veux les détails ca se passe dans mon labo avec mes outils. Tu vas crier un sacré moment avant de t'taire."

Phrase à double sens. Aphrodite le comprendra ainsi tel qu'il souhaite le comprendre. Mais l'autre restera gravé dans sa mémoire. Donc s'il a compris "J'vais te retourner sur la table et te faire crier de plaisir avant que tu retombes à demi mort" l'option "J'vais te retourner sur la table et m'amuser un peu avec ton corps avant que tu ne sois réellement mort" restait valable. Et la je guettais la réaction. Le jeu m'amusais.

Personne ne pouvait nier qu'Aphro se foutait dedans en beauté en ce qui concernait son analyse psychologique du singulier bonhomme aux cheveux argentés. Parce que le plan du brave gars qui en a bavé, etc, résumé en pensée par Deathmask, était très exactement l'idée que s'en faisait Aphrodite, et, comme on le sait, on est loin du compte, les enfants. Mais le brave gars en question avait quand même un petit côté à faire froid dans le dos. Ses remarques, son sourire bizarre. Mais le brave gars, puisque brave gars il y avait, possédait vraiment de l'allure et une très belle bouille, et lui, malheureux qu'il était, avait encore tendance à croire que c'était plus ou moins une garantie d'équilibre mental. Faut le comprendre aussi, flûte à bec. Lui, il avait liquidé tous ses problèmes le jour où il était devenu beau. Et puis quand on évolue dans un univers où les gens sont tous là pour s'amuser, apprêtés et sur leur trente-et-un, ça conforte dans l'idée. Non pas que le Golden Triangle soit un nouveau jet de l'île-aux-enfants-c'est-tous-les-jours-le-printemps, mais on est quand même hors du temps. Donc à priori, et après examen rapide mais complet, on confirme le diagnostic, ça roule docteur ? Non ? Bon, ben tant pis, advienne que pourra.

Ce qu'il advenait, dans l'immédiat, c'était le show du soir spécial Aphrodite, servi en bonus avec toute commande de bloody mary par médecin-légiste légèrement psychopathe. Et le Aphrodite en question était plutôt content de sa prestation... jusqu'à ce qu'il obtienne une réponse.
Alors la réponse commença à lui déplaire dès son commencement, c'est à dire le sourire. Ce sourire-là ne l'emballait pas, va savoir pourquoi. Mais il ne se démonta pas, non non, il attendit la suite. Les premiers mots promettaient de sauver les meubles, et il les écouta avec son propre sourire, le n°15, vous savez, celui qu'est top lascif et tout. Le sourire n°15 commença à s'altérer à l'énoncé deathmaskienne de labo et surtout d'outils, jusqu'à la chute finale. Theuheuheu... Faut pas abuser.
Gasp. La réaction globale ? Ses yeux s'agrandirent démesurément, ce qui donnait le ton avec sa bouche restée entrouverte, le sourire envolé. Il rougit, puis pâlit. Il était sur le point de tourner au jaunâtre, lorsque son cerveau décida qu'il était plus que temps de prendre de la distance le temps de comprendre ce qu'il se passait. Redressement immédiat, récupération du demi-sourire top professionnel, et retour à l'astiquage des verres.
L'option 2 "j'vais te faire des trucs dignes d'un film gore de série Z et te caner, t'écorcher et me faire un tapis avec ta peau", ou peu s'en faut, n'était pas du tout parvenue à l'esprit d'Aphrodite. Mais alors pas du tout. Par contre, l'option 1 lui semblait à considérer sous divers angles. Parce que le profil du brave gars qui en a bavé hétouhétou commençait, dans son esprit, à se parer d'un ajout non négligeable, et une pancarte apparaissait au-dessus de la tête de Deathmask, pancarte au néon clignotant : "attention, sado-maso en liberté." C'était sa déduction... Même s'il restait fortement attaché à l'hyposthèse que le gars le faisait marcher à fond les manettes et cherchait surtout à le choquer. Encore réussi, soit dit en passant.

Il jeta un regard bref à son interlocuteur, revint à son nettoyage... jeta un autre regard. Mouarf. C'était bien la première fois qu'il tombait sur un specimen pareil. Il en avait vu passer de temps en temps, des filles et des types bizarres, dans ce lieu, certains pas mal et d'autres pas top, mais un individu qui alliait de si jolies prunelles avec un regard aussi glauque, ça le dépassait, et quelque part, ça l'intriguait (ayons une pensée émue pour ce cher Hyoga, coloc de DM aux sports d'hiver). Bref. Le dragouillage innocent de la clientèle, ça faisait partie du trip, mais il fallait veiller à ne pas en faire trop, faire attention à ce que l'on dit... Bref du dragouillage de stand de marché de Noël.
Heureusement, le barman revint, un gros pansement autour du doigt, et Aphrodite saisit l'occasion. Il lui lança le chiffon, annonça qu'il était en pause, et hop, se hissa sur le comptoir pour passer de l'autre côté et atterrir sur le tabouret voisin de celui de Deathmask, se tournant résolument vers celui-ci. Et maintenant qu'il était libéré de toute contrainte concernant paroles et gestes, il allait se remettre à son compte aussi sec, ramener tout ça vite fait sur son propre terrain, celui qu'il maîtrisait, arrêter d'avoir l'air d'un poisson hors de l'eau, bref, aphroditiser la situation. Cela commençait par se reprendre, déjà. Il adopta un air dégagé et tout à fait à l'aise, secoua ses cheveux d'une main, croisa les jambes et immisca comme il put son regard dans celui de son vis-à-vis, en reprenant à mi-voix, à travers une mimique innocente.

"Donc en plus d'avoir plein d'idées, elles donnent dans le trash. Ceci dit, je ne crois que ce que je vois..."

Aphro, on va te foutre des claques. Je t'interdis de crever aussi vite - et aussi bêtement- avec le temps que j'ai passé sur ta fiche ! Et le voilà qui en rajoute une couche, s'appuyant sur le bar et repoussant ses cheveux sur le côté pour les faire cascader sur les courbes de sa taille et des ses hanches, des fois qu'il y aurait encore un pékin au monde qui se se serait pas rendue compte qu'il cherchait à capter l'attention de la personne dans sa ligne de mire.

"Mais je suis sûr que tu as un paquet de variantes en stock... Je m'appelle Aphrodite. Et toi ?"

C'était une information intéressante, et avec un peu de chance, il donnerait son nom, voire davantage, et en oublierait de raconter ses trucs glauques. Peut-être.

Un PETIT coté à faire froid dans le dos ? Aha c'était trop drôle. Alors la, Aphrodite était à coté de la plaque mais d'une force et d'une puissance...Enfin bref, moi je m'en tapais, limite. Il me trouvait à son gout ? Ca encore, c'était pas mes affaires. Enfin de toute facon je ne le savais pas encore. Certainement que je l'apprendrais assez rapidement.

Pour le moment je sirotais mon Bloody Mary en toute impunité, mes yeux bleutés aux lueurs de folie s'attardaient parfois sur un détail. Le serveur m'avait foutu la paix, j'en profitais pour me rallumer une clope fissa. Je souriais cyniquement, content de m'en être débarrassé par une simple réponse à doubles sens. Si ca suffisait pour avoir la paix, j'en avais encore plein en stock. Voir le sourire d'un type s'évanouir au fur et à mesure que mes mots tombent, vous pouvez pas savoir ce que c'est jouissif pour moi. Donc pour le moment le score était en ma faveur. Ce petit jeu me divertirait un moment, jusqu'à ce que j'en aie marre et que je me casse. J'avais encore dans la tête la réaction du pauvre serveur à mon énoncé. L'une et l'autre variante était tout à fait possible, quand on savait ce que je faisais. Et puis en ce qui concernait l'idée qu'il avait que j'étais sado-maso...Hum non c'est pas ca, j'étais juste purement et simplement insensible. J'aimais la couleur du sang et le travail bien fait, genre la précision d'une découpe au scalpel...ce genre de choses quoi. La vie qui s'échappait entre mes doigts n'était en général qu'un maigre bonus. Et sur le plan baise, j'étais ce qu'il y a de plus normal. Sauf que mes conquêtes finissaient souvent avec quelque chose en moins.

Presque toutes. Sauf une. Faut dire que le destin c'est une chienne et que la vie c'est une pute des fois. Ca vous fait des coups dans l'dos...Je tirais sur ma cigarette, mes yeux se fermant à demi. Oh je conservais mon allure de play-boy/mafioso/psychopathe mais il y avait un petit quelque chose en plus. Une fois que je décidais de ne plus penser à ca, mon air glacé et cynique revint en force. (On rappelle au passage ce qui est advenu de ce Hyoga la en rp ^^'''). Le trip des souvenirs c'était pas mon truc. Mais celui la, j'avais de la peine à m'en défaire. C'était peut être le seul épisode bien dans ma vie...Ou moins moche que les autres...J'sais pas trop en fait. Bah si vous voulez le résumé, j'suis tombé sur une fille qui m'a fait grave flasher. Et puis j'ai décidé d'arrêter mon trip de psychopathe, de me ranger et de faire un bout d'vie avec. Mais apparemment c'est pas la fille qui était pas d'accord, c'était la vie. Après quelques mois d'arrêt de mon job accessoire (découper les organes vous savez), elle s'est faite renverser en rentrant du travail. Le chauffard a pris la fuite et je l'ai trouvée sur ma table de labo. Joyeux hein ? Elle, je l'ai préparée moi même pour l'enterrement. J'ai pas fait d'autopsie, je l'ai pas touchée.

C'est le mouvement du serveur pot-de-colle qui me tira un peu de mes pensées, bien que j'émergeais gentiment. Sortir et me retrouver avec ceux de mon espèce ca me va pas, ca me fait réfléchir...L'espèce de décoloré m'avait rejoint...encore...Je lui lançais une oeillade un peu...version douche froide. Genre "Qu'est ce que tu fous à coté d'moi ?". Et puis je me concentrais sur ma clope et mon Bloody Mary. La première phrase pour relancer la conversation ne me fit ni chaud ni froid, je ne répondais tout simplement pas. Il ne croyait que ce qu'il voyait ? Le pauvre, il ne serait plus la pour le raconter. Non franchement s'il continuait comme ca j'allais virer dans le meurtre passionnel...Il commence à me courir sur le haricot. Peut être aussi du au fait que j'ai pensé à cette vieille histoire. Je prenais mon verre de cocktail et je me faisais le reste en un coup avant de tirer une profonde bouffée sur ma clope et le lui jeter un autre regard.

"Qu'est ce que ca peut t'faire ? Si t'es un gigolo, j'suis pas intéressé..."

Bah oui on peut se demander...Avec l'attitude qu'il avait à mon égard, franchement...Y'avait de quoi se poser des questions. Mais pas sûr qu'il le prenne bien. Boarf, ca j'en avais rien à fiche, j'espérais d'un certain coté qu'il soit vexé et qu'il foute le camp. De toute facon, j'avais rien à faire ici, alors bon valait mieux que j'me tire....Très certainement. Surtout que je commencais à être de mauvaise. Alors bon...la...Quand je m'amuse plus, j'préfère pas qu'on me voit...J'suis assez colérique.

Aphrodite était peut-être à côté de la plaque, mais il s'y trouvait totalement à son aise, et c'était ce qui était important. Nan ? Si. Nan ?? Mais si, on vous dit. Et ça valait mieux pour lui. Mieux vaut le laisser dans son univers, parfois, c'est un monde très éloigné que celui de notre brave médecin-légiste, un poil plus coloré et infiniment moins macabre, aussi. Alors bien sur, le souci avec le Deathmask, c'est qu'il en fait profiter des gens qui auraient certainement beaucoup regretté d'avior croisé son chemin s'ils en avaient gardé le souvenir. D'ailleurs, il serait très interessant de voir la réaction des malheureux le jour où ils apprennent qu'il leur manque ci ou ça sans pouvoir se l'expliquer. Mais là n'est pas la question.

Aphrodite s'était enquis de l'identité de cet étrange usager, bien que ce fut beaucoup dire. Un simple prénom l'aurait largement contenté, il n'attendait guère plus. Mais il se demandait sil allait l'obtenir, parce qu'avec un comportement pareil... Bouh ! Si les regards de ce gars-là balançaient concrètement toute la glace qu'ils contenaient, le pauvre Aphro serait déjà enseveli dans un épais bloc de gel. Ambiance freezing coffin. C'est dire si les noeils joliment bleutés de notre DM national étaient froids. Que dis je, froids ? Sibériques. Encore un peu et il allait mordre. Enfin, pour faire simple, Il n'avait vraiment pas l'air amène, ce gars, et Aphrodite atteignait en ce moment même des sphères de doute quant au fait qu'il allait parvenir à le dérider. C'est pas gagné... Heureusement - car Aphrodite n'aimait pas s'avouer vaincu - ce n'était pas le but de la manoeuvre. Là, ce qu'il voulait, c'était piger. Essayer de comprendre ce que c'était que ce specimen. C'est dire si la tâche est vaste.

Alors, honnêtement, après les répliques précédentes, il se serait attendu à tout. J'm'appelle Dracula, houuu. D'un air désabusé, de préférence. Oui parce que mine de rien, le Doc LaMort n'avait pas l'air particulièrement jouasse de se voir collé, glué, questionné. Aphrodite en avait vaguement conscience, mais à un degré bieeeeen moindre que ce qui était. L'autre sembla sur le point de répondre, mais le gratifia d'un regard qui le fit immédiatement et étrangement se sentir tel un canard décapité dont la tête aurait été collée à l'entrée d'un temple antique, style caribou au rabais (quoi que j'ai un doute, c'était Hyoga ou Seiya ? ou les deux ptet).

Mais !! Contre toute attente... Alors oui, il s'était attendu à tout, mais pas à ça. Il se figea... haussa un sourcil surpris;.. ouvrit la bouche... la referma... frémit... frémit plus fort... Et d'un coup, explosa.
De rire.
Une authentique vague de fou-rire du genre qu'on se tape une fois à l'année, pas plus, la grande cuvée annuelle. Même pour Aphrodite. Il faillit en tomber du tabouret où il s'était juché, se rattrapa in extremis, tout en essayant de calmer cet accès d'hilarité absolument incontrôlable.
La réponse qui venait de lui être faite lui semblait absolument désopilante, et ce rire irrépressible ne se calma qu'une bonne dizaine de seconde après, alors qu'il commencait à avoir les yeux complètement embués de larmes et le souffle court. É-NOR-ME. Il donna un coup du plat de la main sur le bar, et se redressa, les joues rose vif et les cheveux dans la figure.

"Wah..." finit-il par articuler difficilement, en essayant désespérément de ne pas repartir. "T'es génial."

Voilà une appréciation des plus particulières, et pas des plus compréhensibles. Heureusement - ou malheureusement, c'est selon - il ne s'arrêta pas à ça, et reprit

"J'adore. En fait, tu sais quoi ? Je vais prendre ça comme un compliment, même si c'est sûrement pas fait pour. Par contre, si j'étais un gigolo, je tenterais plus volontiers ma chance avec une vieille diva richissime. Le genre qui se balade dans les salons de thé haut de gamme avec un yorkshire toiletté par Orlando Pita."

Il s'accouda au bar avec un air pensif, un grand sourire comme vestige de cette intense crise de rire.

"Je devrais peut-être me reconvertir." Il tourna les yeux vers son interlocuteur-malgré-lui, et ajouta. "Tu connais pas de vieille diva à yorkshire, par hasard ?"

Il se leva soudain, passa son bras de l'autre côté du comptoir pour y chercher à tâtons quelque chose, et ce court instant de pêche à l'aveugle terminé, ramena sa main vers lui avec son butin : un stylo et un petit bout de papier rouge. Il se tut pendant un très court moment, alors qu'il écrivait avec application quelque chose, et fit glisser près du verre du pauvre DM, non pas un bout de papier, mais un pétale de rose rouge avec une petite série de chiffres inscrits dessus.

"Si tu en rencontres une, tu lui donnes mon numéro, ça marche ?"

Et si t'en trouves pas, tu le gardes pour toi. Aphro, Aphro...

[ Longue attente, dsl. Période de fêtes et toussa toussa ]

Complétement à l'ouest et taré ce type ma parole ! Mon air antipathique lui suffisait peut être pas...Pourtant j'avais tout fait bien, les paroles sèches et glaçantes, la mine peu engageante. Et cet abruti blond qui semblait devoir pencher la tête afin de mettre en connexion ses deux seuls neurones encore valide s'évertuait à rester planté la. Et puis ces souvenirs étaient agacants. Au moins quand je découpais les macchabées j'avais pas ce genre de flash backs. Je retenais à grand peine un long soupire atterré qui serait certainement sorti en un rugissement de dépit...Ouf on avait évité la catastrophe, du moins pour le moment. Et puis il foutait quoi ce serveur à me coller aux baskets comme ca ? En plus, non non c'était pas un rêve, il avait l'air de commencer à me draguer ferme. Il était plus que temps qu'il arrête de me coller....

Je me doutais bien qu'il s'attendait presque à tout, mais moi par contre je m'attendais pas à ce qu'il éclate de rire. Je tirais sur ma cigarette en haussant un sourcil tout en le fixant d'un air de dire "Mais qu'est ce qu'il y a de marrant ?" ou encore "Nous n'avons apparemment pas les mêmes valeurs". Donc l'air du type vaguement hautain et dédaigneux mais légèrement étonné. Peut être que ce qui était marrant c'est qu'avec mon histoire de gigolo j'étais tombé juste ? Alors oui la peut être que je pourrais éventuellement concevoir que la situation était...vaguement drôle. Mais pas au point de tirer un fou rire à quelqu'un. Vraiment, il était étrange, surtout qu'il faillit se manger le sol tellement il riait. Quand il se reprit, il me fit un peu penser à une grande folle blonde qui venait de coincer son talon dans une grille et qui avait mit au moins vingt minutes d'efforts à l'en tirer au vue des joues cramoisies et des cheveux ébouriffés.

Mon sourcil se haussa encore un cran de plus. Génial ? Oui d'une certaine manière j'étais génial, intellectuellement parlant et dans mon domaine on m'avait souvent qualifié comme ca. Mais la...franchement j'voyais pas. Il y avait quoi de génial à le traiter de gigolo ? Peut être que ce type était réellement masochiste en fait. Et le débit de bla bla reprit. Je poussais cette fois un soupire perceptible et reportait mon attention sur mon verre qui se vidait à une vitesse ahurissante. Ouais, l'alcool ca anesthésie, et vu le type que j'avais à coté de moi, un seul verre ca m'suffirait largement pas !

Le regard que je décochais au blond serveur confirma que c'était pas fait pour être un compliment, en effet. La remarque sur la vieille au petit chien ne me fit ni chaud ni froid...A part que je pensais qu'il jugeait sur les apparences...Il était contradictoire ce type, quelqu'un de sensé qui juge sur les apparences ne m'aurait jamais approché. Paradoxal et agaçant, il était peut être né avec une nature curieuse et une vision "Walt Disney" de la vie ? Ouais ca expliquerait pourquoi il affichait une mine superficielle de blondasse idiote. Hum. Je commençais à me méfier de ce type maintenant...

Je gardais néanmoins mon allure stoïquement glaciale tout en secouant la tête négativement à sa question. Nan, j'connaissais personne qui remplissait ces critères. Je replongeais le nez dans mon verre et rejetais la tête en arrière le vidant d'une traite avant de terminer ma cigarette. Mais la suite promettait d'être encore plus cocasse. Quand je posais mes yeux sur le pétale rouge, j'étais vaguement pris entre l'envie d'éclater de rire et celle de casser la figure du type sur le comptoir pour admirer son sourire à demi édenté obtenu en résultat.

Quoi qu'il en soit, la suite se passa relativement vite. J'avais éteint ma cigarette dans le cendrier prévu à cet effet. Ma main droite se releva pour saisir le visage d'Aphrodite par dessous, mon index et mon pouce appuyant sur les joues et approchant sa face vers la mienne tandis que ma main gauche s'était emparée du pétale. Avec une légère pression sur la machoire du pauvre serveur, je le forcais, encore très gentiment à ouvrir la gueule...Moi qui voulais qu'il la ferme avant.... Enfin bref. Aphrodite pourra certainement remarquer que mes mains étaient relativement froides, puissantes mais lisses et douces. Quand le visage du serveur fut arrivé à quelques centimètres du mien je dardais sur lui un regard digne d'un savant fou tandis que ma voix se fit caressante et suave. Très inquiétant.

"J'suis pas un putain de coursier."

Et mes doigts glissèrent le pétale dans la bouche d'Aphrodite. Ma main droite relacha la pression sur les joues et saisit son menton pour lui faire entamer un mâchonnement de pétale de rose. Puis je me détournais à nouveau et rallumais une cigarette. Moi un vulgaire coursier ? Le serveur pouvait s'estimer heureux d'être encore entier. Je grondais vaguement tout en tirant sur ma cigarette. Il fallait que je me calme...sinon il y aurait des morts.